Politiques de santé

Avis n°148 du C.C.N.E. : Enjeux éthiques relatifs aux situations de vulnérabilité face aux progrès médicaux et aux limites du système de soins
Les avancées scientifiques et technologiques en médecine ont permis des progrès considérables, améliorant l’espérance et la qualité de vie des patients. Cependant, ces avancées ne sont pas sans conséquences. Elles transforment profondément notre rapport à la maladie et peuvent, paradoxalement, générer ou accentuer des situations de vulnérabilité. La complexification des parcours de soins, l’inégalité d’accès aux traitements et les limites du système de soins et médico-social exposent certaines populations à des formes accrues de fragilité. Face à ces défis, le C.C.N.E. consacre son Avis n°148 à une réflexion approfondie sur l’éthique du progrès médical et la nécessité de garantir une médecine plus humaine, plus juste et respectueuse des patients.
Si les avancées médicales permettent aujourd’hui de soigner des pathologies auparavant incurables, elles soulèvent également des dilemmes éthiques majeurs. La chronicisation des maladies, l’accumulation de séquelles et la complexité des traitements peuvent altérer l’indépendance et l’autonomie décisionnelle des patients. La médecine moderne peut ainsi prolonger la vie, mais parfois au prix d’une qualité de vie diminuée. Par exemple, en réanimation ou en fin de vie, certaines pratiques médicales peuvent engendrer des souffrances supplémentaires, questionnant le sens même de l’intervention médicale.
Le C.C.N.E. insiste sur la nécessité d’interroger ces évolutions et d’adopter une approche qui ne se limite pas à la seule performance technologique, mais qui prenne en compte la dimension humaine du soin. Une médecine éthique ne doit pas seulement chercher à prolonger la vie, mais aussi à garantir la dignité et l’autonomie des patients.
Les inégalités d’accès aux soins, la fragmentation des parcours de santé, la surcharge administrative et la complexité des démarches sont autant de facteurs qui aggravent la vulnérabilité des patients. Certaines populations – personnes précaires, migrants, détenus, personnes âgées dépendantes, patients atteints de troubles psychiques – sont particulièrement exposées à ces obstacles. Le C.C.N.E. rappelle ainsi que le système de santé lui-même peut devenir un facteur de fragilisation et appelle à une réforme structurelle pour garantir une prise en charge plus inclusive et adaptée.
Afin de répondre à ces enjeux, le C.C.N.E. formule plusieurs recommandations essentielles :
- Renforcer la formation des professionnels de santé pour mieux identifier, prévenir et accompagner les situations de vulnérabilité, en intégrant une approche éthique et interdisciplinaire.
- Repenser l’organisation du système de soins pour garantir un accès équitable aux traitements, limiter les ruptures de parcours et améliorer la coordination entre les acteurs médicaux et médico-sociaux.
- Développer une approche capacitaire, permettant aux patients de conserver leur autonomie décisionnelle et d’être pleinement impliqués dans leurs choix médicaux.
- Favoriser un cadre de décision éthique clair et partagé, intégrant la délibération collective et le dialogue entre soignants et patients, afin d’éviter les prises en charge médicales excessives ou inadaptées.
- Soutenir les aidants familiaux et professionnels, dont le rôle est central dans l’accompagnement des personnes vulnérables.
Le C.C.N.E. appelle les décideurs publics, les professionnels de santé et la société civile à dépasser une approche strictement biomédicale du soin pour construire un système plus juste, solidaire et humain. Il s’agit d’intégrer une certaine « éthique de la vulnérabilité », fondée sur des soins proportionnés, accessibles et personnalisés, une meilleure coordination entre les acteurs du soin et du médico-social, et une culture de la délibération collective.
L’appropriation de cette approche constitue un défi majeur pour la médecine contemporaine, impliquant une transformation des pratiques et des mentalités. Cette évolution, loin d’être une contrainte, est une avancée essentielle : en redonnant du sens à l’acte de soigner, elle bénéficie autant aux patients qu’aux soignants eux-mêmes.
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